
Silence !
Petit traité à l’usage des roquets trop hardis
Ah ! Ça y est ! Ça jappe, ça éructe, ça s’agite, ça tape du tambour sur la poitrine creuse ! Ils sont là, les stratèges du comptoir, les va-t’en-guerre en charentaises, les fiers-à-bras du canapé ! Ça veut du carnage, du baroud, du grand frisson. Ça braille aux grands principes, ça joue au héros, ça hurle des menaces comme si l’univers tremblait sous leur souffle.
Mais regardez-les donc, ces pisse-feu ! Regardez-moi ces valeureux cœurs de guimauve, ces guerriers de pacotille ! Ils ont du mal à monter trois étages sans souffler comme des soufflets percés, mais ils veulent grimper au front, terrasser des armées, regarder la mort droit dans les yeux ! Ah ! La bonne blague !
À qui croyez-vous donc parler, hein ? À qui adressez-vous vos rodomontades de clowns en surchauffe ? Des colosses, voilà qui sont en face, des monstres d’acier et de feu, qui n’ont pas besoin d’une seconde pour vous réduire en purée. Mais vous, vous battez l’air de vos petits poings maigres en croyant impressionner des titans. Vous êtes des chiots qui aboyez à la lune, et la lune, elle, ne vous voit même pas.
Mais qu’est-ce que vous croyez ? Que la guerre, c’est un jeu vidéo ? Que ça se gagne à coups de tweets et de postures martiales dans des bureaux climatisés ? Vous croyez que l’ennemi, le vrai, il va s’effrayer de vos gesticulations de guignols, de vos cris perçants de coqs déplumés ? Mais il ne vous entend même pas ! Il ne sait même pas que vous existez, bande de cloportes.
Et si jamais il daigne tourner la tête, juste un instant, juste un petit rictus amusé… alors là, vous êtes foutus. Disparus. Vaporisés. À peine le temps de pousser un dernier glapissement. Vous serez passés de la fanfaronnade à la panique, du verbe haut à la fuite en rase campagne.
Alors taisez-vous. TAIZEZ-VOUS. Rangez vos postures de matamores de salon, remisez vos grandes phrases creuses, cessez ce cirque grotesque. Vous ne voulez pas la guerre, vous ne la voulez pas VRAIMENT. Vous voulez l’excitation du danger, sans le danger. Vous voulez jouer aux durs, mais vous n’êtes que des baudruches.
Et si un jour elle vous tombe dessus, la vraie, l’impitoyable, la totale, alors là, on vous verra. On vous verra courir, pleurnicher, supplier qu’on vous épargne, ramper dans vos illusions fracassées. Mais ce jour-là, il sera trop tard.
Alors faites-nous une faveur, faites-vous une faveur : silence, et vite.