Les Vestales du Pillage

Les Vestales du Pillage

Lundi, Mars 3, 2025

Ou l’art sublime de chuter avec éclat

Le pouvoir, voyez-vous, n’est point une charge, ni même un fardeau. C’est un nectar, un philtre d’éternité que ceux d’en haut boivent sans jamais songer qu’il pourrait un jour s’évaporer. Ils s’installent, ils s’engraissent, ils devisent en soupirant sur les misères du monde tout en pesant de plus en plus lourd sur son dos. Ils s’auto-adoubent, s’auto-congratulent, s’auto-dévorent parfois, mais toujours avec distinction.

On les reconnaît à leur maintien, à ce port de tête un rien détaché, ce regard qui plane au-dessus du commun des mortels. Ils ne marchent pas, ils glissent, portés par des flots d’or et de promesses. Le peuple ? Un décor, un vague bruissement de fond, utile lorsqu’il applaudit, fâcheux lorsqu’il murmure. L’honneur ? Une variable comptable. La loi ? Une ficelle que l’on noue et dénoue à sa guise.

Ils ne se cachent même plus, car pourquoi se cacherait-on lorsqu’on est invincible ? Les coffres se remplissent, les décisions se signent entre deux coupes, les fortunes se fabriquent en un trait de plume. L’arrogance devient un droit divin. L’abus, une discipline raffinée. Ils s’entourent de laquais qui traduisent leurs caprices en règles universelles. Ils s’inventent des morales pour justifier leurs appétits, des principes élastiques qui s’adaptent à leurs désirs du jour.

Mais voilà, même les dieux sont tombés de leur Olympe. Car à force de jouer avec le feu, ils finissent par s’y brûler les doigts. Un matin, un article, un rapport, une rumeur persistante… Et la machine s’enraye. Ils clignent des yeux, éberlués. Comment ? Les murs de leur citadelle ne sont donc pas impénétrables ? L’opinion les regarde, les interroge, les accuse. Quelle audace ! Quelle ingratitude !

Ils se débattent, invoquent leurs états de service, crient au complot. Ils appellent à la raison, cette même raison qu’ils ont mille fois foulée aux pieds. Mais le vent tourne. Il tourne toujours. Le peuple qu’ils prenaient pour un troupeau a levé la tête. Il n’est plus question de murmures, mais de clameurs. Et soudain, eux qui croyaient n’avoir de comptes à rendre à personne se retrouvent devant le grand tribunal du réel.

Ils tombent. Non pas vite, non pas brutalement, mais avec cette lenteur effrayante des puissances qui s’écroulent en comprenant, trop tard, qu’elles n’étaient bâties que sur du vent.

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